IA : vers un désordre informationnel ?

IA : vers un désordre informationnel ?

L’intelligence artificielle (IA) promet une transformation profonde de l’industrie médiatique et, plus globalement, de la manière dont nous produisons, consommons et valorisons l’information. Entre sidération et exploration de nouvelles frontières éditoriales, tour d’horizon de sept défis à relever pour réinventer le journalisme et les médias à l’ère de l’IA générative. Après les articles consacrés à la démystification de l’IA, à la formation, aux opportunités et aux assistants IA, à la recherche d’informations sur le web, et la dépendance à l’IA, voici le dernier article de cette série traitant du « désordre informationnel ».

Auteur d’un article passionnant sur les enjeux et défis de l’intelligence artificielle, Nicolas Becquet, journaliste et directeur du pôle digital de L’Écho, un quotidien bruxellois. Il nous a autorisé à le publier sur le site internet de TOUTécrit. Nous l’en remercions. Cet article, dans sa version intégrale, a été mis en ligne sur le site de l’Observatoire européen du journalisme (EJO).

À la faveur de l’accessibilité grandissante des outils dopés à l’IA, un flot de médias automatisés et synthétiques, produits de façon industrielle, menace de submerger le web.

À l’image des opérations de déstabilisation et de désinformation qui ont lieu lors des campagnes électorales, les techniques de flooding (inondation, NDLR), déjà à l’œuvre, promettent de s’amplifier et de déstabiliser les démocraties. En 2024, la moitié de l’humanité doit se rendre aux urnes et les premiers exemples de deepfakes (contrefaçons, NDLR) et de manipulations envahissent déjà le web et les réseaux sociaux.

En offrant la possibilité de personnaliser les contenus à large échelle, ainsi que de varier à l’infini les formats (sites, publications sur les réseaux sociaux, podcasts, vidéos, etc.), l’intelligence artificielle renforce encore l’efficacité et l’impact des contenus synthétiques. Que les contenus produits soient malveillants ou pas, ce phénomène nourrit un grand désordre informationnel et dessine les contours d’un monde au sein duquel il n’est plus possible de distinguer avec certitude ce qui est vrai ou ce qui ne l’est pas, si un contenu a été généré par une machine ou par un humain.

Uniformisation et désinformation

Si les volumes de ces contenus venaient à dépasser certains seuils critiques, ils entreraient massivement dans la boucle d’apprentissage des systèmes d’intelligence artificielle et contamineraient de facto les bases de données nécessaires à leur développement. À la clé de ce scénario dystopique, un univers informationnel où primeraient l’uniformisation des savoirs, des informations factuellement fausses, trompeuses ou de faible qualité et la reproduction sans fin des mêmes biais. Un monde gangréné par le poison du doute, l’approximation, la confusion et la suspicion systématique.

Dans un tel scénario, les médias feront partie des rares bastions capables de repousser les assauts du faux et du vraisemblable. Ils devront plus que jamais contribuer à la diversité des sources et des opinions, ainsi que certifier l’info en signant leurs contenus de la mention : « Écrit et vérifié par [ce journaliste], pour [tel média] ».

Articles publiés
Cliquez sur chacun des articles pour y accéder.
Pourquoi faut-il démystifier l’IA ?
L’enjeu de la formation des équipes
Quels gains de productivité ?
Se préparer à l’émergence des assistants IA
Anticiper le déclin de l’économie du lien
IA : en sommes-nous déjà dépendants ?

Nicolas Becquet est journaliste et manager du Pôle digital de L’Écho, quotidien business basé à Bruxelles. Il est également Maître de conférences invité à l’École de journalisme de l’UC Louvain (EJL), formateur en journalisme mobile (Mojo) et en innovation éditoriale.