IA : l’enjeu de la formation des équipes
L’intelligence artificielle (IA) promet une transformation profonde de l’industrie médiatique et, plus globalement, de la manière dont nous produisons, consommons et valorisons l’information. Entre sidération et exploration de nouvelles frontières éditoriales, tour d’horizon de sept défis à relever pour réinventer le journalisme et les médias à l’ère de l’IA générative. Après le premier article consacré à la démystification de l’IA, intéressons-nous à la formation.
Auteur d’un article passionnant sur les enjeux et défis de l’intelligence artificielle, Nicolas Becquet, journaliste et directeur du pôle digital de L’Écho, un quotidien bruxellois. Il nous a autorisé à le publier sur le site internet de TOUTécrit. Nous l’en remercions. Cet article, dans sa version intégrale, a été mis en ligne sur le site de l’Observatoire européen du journalisme (EJO).
Pour garantir une utilisation responsable et profitable des intelligences artificielles au sein des médias, la charte est certainement l’outil le plus efficace. Elle permet en effet d’encadrer les pratiques et de promouvoir des usages éclairés et raisonnés.
La rédaction d’une charte est, par ailleurs, un exercice mobilisateur qui offre à chaque média l’opportunité de consolider son ADN éditorial, ses valeurs et ses missions. Au cœur de cette réflexion, la déontologie journalistique et les questions liées à la relation avec les publics, à travers les enjeux de confiance et de crédibilité.
Petit tour d’horizon non exhaustif des ingrédients présents dans les chartes IA élaborées jusqu’ici par les médias :
- La supervision humaine systématique des contenus traités par l’IA,
- La transparence des pratiques, au sein des rédactions et vis-à-vis des audiences,
- La liste des usages autorisés et interdits,
- Les maillons de la fabrique de l’info concernés,
- L’imputabilité et la responsabilité des contenus,
- Le respect de la vie privée et du droit d’auteur,
- Les objectifs stratégiques,
- La gestion des biais et le choix des outils, etc.
Évoquons également deux limites de cet exercice. La première consiste à s’engager sur des principes et des règles de conduite alors qu’il est impossible de prédire ce que la technologie permettra à court et moyen termes. Ces chartes seront donc amenées à évoluer.
La seconde concerne la garantie d’une supervision humaine systématique pour tous les contenus produits ou édités par une IA. Une position qui ferme la porte à la création de chatbots autonomes, ainsi qu’à la génération et la diffusion automatisées de textes et de productions audiovisuelles.
Jusqu’à maintenant, l’automatisation de la production de contenu était majoritairement basée sur des systèmes dont on pouvait contrôler les procédures (machine learning) et les bases de données mobilisées. C’est ainsi que de nombreux médias ont automatisé la production de contenus spécialisés : résultats sportifs, boursiers, électoraux, météos, etc. Avec l’IA et son processus d’apprentissage automatique (deeplearning), la maîtrise et la transparence des processus ne sont plus possibles. Une situation qui pose la question de la responsabilité éditoriale.
Parallèlement à l’élaboration d’une charte, la formation continue des équipes est une étape indispensable à l’intégration de l’intelligence artificielle dans les rédactions. De la formation dépend aussi la qualité de la couverture de l’IA, comme objet journalistique. À l’image du climat, il s’agit d’une thématique transversale qui nécessite une connaissance et un outillage spécifiques.
Article publié
❶ Pourquoi faut-il démystifier l’IA ?
Prochain article
❸ Identifier les opportunités de gains de productivité
Articles suivants
❹ Se préparer à l’émergence des assistants IA
❺ Anticiper le déclin de l’économie du lien
❻ Éviter les pièges de la dépendance technologique
❼ S’armer face au péril du désordre informationnel généralisé
Nicolas Becquet est journaliste et manager du Pôle digital de L’Écho, quotidien business basé à Bruxelles. Il est également Maître de conférences invité à l’École de journalisme de l’UC Louvain (EJL), formateur en journalisme mobile (Mojo) et en innovation éditoriale.