Emplois intellectuels : sont-ils condamnés ?

Emplois intellectuels : sont-ils condamnés ?

Article publié le 4 juin 2025

Dario Amodei, PDG d’Anthropic (créatrice du chatbot Claude), estime que l’essor rapide de l’intelligence artificielle générative va profondément bouleverser le marché du travail des cols blancs, en particulier les emplois de bureau de niveau débutant. Il estime en effet que la moitié des emplois de bureau pourraient disparaître d’ici 1 à 5 ans, notamment dans le droit, la finance, la tech et les fonctions supports à caractère administratif, avec un taux de chômage qui pourrait atteindre 20 % aux États-Unis, soit l’équivalent à la crise du COVID-19 en 2020. Dario Amodei appuie son propos en précisant que l’IA devient meilleure que les humains dans « presque toutes les tâches intellectuelles ».

🧠 Cette prédiction est-elle crédible ?

Contrairement à des spéculations théoriques, elle émane d’un acteur majeur du secteur, engagé dans une course effrénée pour développer les outils les plus innovants en matière d’IA générative. L’ampleur et la vitesse supersonique du bouleversement prévu dépasseraient celles des précédentes révolutions industrielles. Amodei dénonce le déni ou l’euphémisation des risques par les décideurs et appelle à se préparer aux impacts majeurs liés à la généralisation de l’IA. Le PDG d’Anthropic évoque un avenir où « le cancer est guéri », « l’économie croît de 10 % par an » et où « le budget est équilibré », mais où 20 % de la population reste sans emploi. Une telle croissance économique peut-elle coexister avec un chômage de masse ?

🏢 Qu’en pensent les autres géants de la tech ?

Mark Zuckerberg (Meta) estime qu’en 2025 des IA pourront jouer le rôle d’ingénieurs de niveau intermédiaire capables d’écrire du code. Quant à Sundar Pichai (Google), il souligne que les « travailleurs du savoir » comme les écrivains, comptables et architectes sont en première ligne face à l’IA. Soulignons qu’IBM prévoit la suppression de 7 800 postes de back-office à moyen terme, tandis que Klarna, entreprise offrant des solutions d’affacturage en ligne, après avoir vanté un assistant IA remplaçant 700 agents du service client, est revenue en arrière en reconnaissant les limites qualitatives des chatbots.

Des experts affirment cependant que l’IA peut parfois servir de prétexte pour engager des plans stratégiques antérieurs : réduction des coûts et recentrage post-Covid, pression des marchés pour augmenter les marges et rationalisation après les années d’expansion liées à l’argent bon marché (baisse des taux). Alors, l’IA aurait-elle bon dos, alors que l’automatisation n’est pas (encore) complètement opérationnelle ?

La prédiction, fondée ou pas, de Dario Amodei soulève des interrogations majeures en matière de régulation, de responsabilité sociale des entreprises et de politiques publiques.

  • L’État doit-il encadrer les usages de l’IA ?
  • Faut-il imposer des quotas de postes humains ?
  • Comment financer la formation ou la reconversion des collaborateurs ?
  • La croissance promise par l’IA est-elle socialement soutenable ?

Le PDG d’Anthropic ne délivre aucune preuve tangible pour appuyer sa prédiction alarmiste de 50 % d’emplois supprimés. Certains observateurs estiment que de telles déclarations visent surtout à renforcer la position commerciale d’Anthropic, en valorisant la puissance de son IA. Néanmoins, les alertes récurrentes venant de différents PDG laissent penser qu’un changement structurel majeur du travail intellectuel est bien en cours, même si son ampleur reste à mesurer.